Méthode de biologie moléculaire pour la détection de bactéries lactiques productrices d'amines biogènes dans le vin
RÉSOLUTION OIV-OENO 449-2012
METHODES DE BIOLOGIE MOLECULAIRE POUR LA DETECTION DE BACTERIES LACTIQUES PRODUCTRICES D'AMINES BIOGENES DANS LE VIN
L’ASSEMBLEE GENERALE,
EN CONSIDÉRATION de l’article 2, paragraphe 2, n° iv de la convention datée du 3 avril 2001, qui gouverne la création de l’Organisation Internationale de Vigne et du Vin.
SUIVANT la proposition faite par le groupe d’experts « Microbiologie »
DECIDE d’adopter les méthodes moléculaires suivantes pour la détection de bactéries lactiques productrices d'amines biogènes dans le vin.
METHODE MOLECULAIRE DE DETECTION DE BACTERIES LACTIQUES PRODUCTRICES D’AMINES BIOGENES DANS LE VIN
1. OBJECTIF
La détection de souches de bactéries lactiques spécifiques qui ont les gènes codant pour les enzymes impliquées dans la production d’amines biogènes dans les vins. En ciblant le bon gène, une PCR peut être pratiquée soit pour détecter la présence des souches (PCR conventionnelle), soit pour en quantifier la population (PCR quantitative, qPCR). Une PCR multiplexe peut être utilisée pour détecter la présence de plusieurs gènes.
2. PRINCIPE
La plus grande partie de la contamination du vin en amines biogènes (BA) se déroule pendant la fermentation malolactique (MLF) en raison de la présence de souches de bactéries lactiques dont les activités décarboxylases transforment des acides aminés en amines biogènes. Par ailleurs, de l’agmatine (produite par la décarboxylation de l’arginine) est désaminée en putrescine. De nombreuses souches ne produisent pas de BA. Le fait d’évaluer les risques potentiels d’accumulation de BA dans les vins au début de la production permet une meilleure gestion du processus de fermentation afin de diminuer la contamination. La méthode consiste en la détection de microorganismes possédant les décarboxylases d’acides aminés et la désaminase de l’agmatine. Le résultat ne fournit pas les concentrations de BA finales. Mais le risque de contamination en BA est lié à la présence des gènes et au niveau de la population des bactéries. (Lucas et al., 2008).
3. DETECTION DE SOUCHES PRODUCTRICES DE BA :
3.1. Extraction de l’ADN
3.1.1. Extraction à partir d’une culture de bactéries :
L’ADN est préparé à partir de la culture pure. Les cellules de 2 mL de culture (de préférence en phase exponentielle) sont recueillies par centrifugation à 13 000g pendant 15 minutes. Le culot est ensuite mis en suspension dans un tampon TE de 600 µL (Tris-HCl 10mM, EDTA 1mM) contenant du lysozyme (10mg/mL) et incubé pendant 30 min à 37°C. L’extraction se poursuit ensuite avec des kits disponibles selon les instructions du fabricant. Mais l'extraction peut aussi être effectuée selon le protocole habituel de la manière suivante : un volume d’alcool phénol-chloroforme-isoamylique (25 :24 :1) est ajouté et le mélange est centrifugé pendant 15 min. à 13 000g. La phase supérieure est recueillie et précipitée avec de l’éthanol à 99%. Le culot est séché et remis en suspension dans le tampon TE.
3.1.2. Extraction de l’ADN à partir de bactéries d’échantillons de vin pour PCR et qPCR :
L'ADN peut être extrait d’échantillons de vin selon Lucas et al. (2008). Des cellules de levure lyophilisée sont ajoutées à une population finale de 107 cellules/mL dans les échantillons de vin pour faciliter la récupération de microorganismes indigènes et de leur ADN. Les microorganismes d’un échantillon de 10-ml de vin sont recueillis par centrifugation à 5300 x g pendant 15 min. Une fois nettoyé avec 1 ml de tampon Tris-EDTA (10 mM de Tris hydrochloride [pH 8.0], 1 mM EDTA) le culot est mis en suspension dans 300 µl du même tampon et additionné de 200 µl de perles de verre de 0,1 mm de diamètre. Les cellules sont cassées par agitation vigoureuse en prenant soin de refroidir le tube. Le lysat cellulaire est mélangé à 300 µl de solution de lyse et avec 200 µl de solution pour la précipitation de protéines, puis laissé sur glace pendant 5 min. Les protéines et débris cellulaires sont précipités par centrifugation pendant 3 min à 10000 x g. Un volume de 600 µl de liquide surnageant est mélangé à 100 µl d’une solution de poly vinylpyrrolidone à 10% et centrifugé pendant 10 min à 10000 x g. Le liquide surnageant est recueilli et les acides nucléiques sont précipités à l’isopropanol. Le culot cellulaire est nettoyé une fois avec de l’éthanol à 70%, séché et dissous dans 20 µl d'eau stérilisée.
3.2. Détection de souches spécifiques productrices de BA
3.2.1. Conditions PCR:
L’amplification par PCR est effectuée dans un mélange de réaction de 25-l contenant 12.5 ng d’ADN matrice, 20 mM de Tris-HCl, pH 8.0, 50 mM KCl, 2.5 mM MgCl2, 200µM de chaque dNTP, 1 M de chaque amorce et 1 U d’ADN polymérase Les séquences des amorces oligonucléotidiques pour l’amplification des fragments internes des gènes qui codent l’histidine, la tyrosine, l’ornithine décarboxylases et l’agmatine deiminase par PCR ont été conçues par plusieurs groupes de recherche (voir Tableau 1).
Les réactions sont effectuées dans un Système PCR en suivant les paramètres de cycle donnés dans le Tableau 2.
Les produits amplifiés sont analysés par électrophorèse dans un gel agarose de 1.5% et révélés sous UV après coloration avec du bromure d’éthidium.
3.2.2. Applications :
3.2.2.1. Souches productrices d’histamine
Le gène hdcA qui code pour l’enzyme histidine décarboxylase (HDC; EC 4.1.1.22) est détecté par amplification. Parmi les souches productrices d’histamine, certaines souches Pediococcus (Landete et al., 2005) et Oenococcus oeni ont été isolées (Coton et al., 1998a). Il ne s’agit pas là d’une caractéristique générale de ces espèces, ce qui explique pourquoi dans d’autres travaux les souches productrices d’amines biogènes O. oeni n’ont pas été identifiées (Constantini et al., 2006; Moreno-Arribas et Polo, 2008).
3.2.2.2. Détection des souches productrices de tyramine
La tyrosine décarboxylase (TDC, EC 4.1.1.25) est plus présente dans les lactobacilles hétérofermentaires (principalement Lactobacillus hilgardii et Lactobacillus brevis) (Moreno-Arribas et al. 2000). Lucas et Lonvaud-Funel (2002) ont conçu un ensemble d’amorces dégénérées pour la détection des fragments de gène tdc dans les souches de L. brevis. Par la suite, de nouvelles amorces furent conçues, (Marcobal et al. 2005; Constantini et al. 2006; Lucas et al. 2003).
3.2.2.3. Les souches productrices de putrescine
L’ornithine décarboxylase (ODC, EC 4.1.1.17) catalyse la conversion de l’ornithine en putrescine. Marcobal et al. (2004) ont rapporté la présence du gène d’ornithine décarboxylase (odc) dans une souche O. oeni productrice de putrescine. Plusieurs ensembles d’amorces sont proposées par Marcobal et al. (2005) et Granchi et al., (2006) qui détectent spécifiquement les souches O. oeni productrices de putrescine. Mais la putrescine peut aussi être formée par désamination de l’agmatine. Lucas et al., (2007) donnent les séquences des amorces qui amplifient le gène correspondant.
3.3. Détection simultanée de plusieurs bactéries productrices d'amines biogènes par PCR multiplexe
3.3.1. Conditions PCR :
Pour la PCR multiplexe, les conditions sont les mêmes que celles décrites ci-dessus mais la concentration des amorces doit être optimisée. Les réactions sont effectuées dans un Système PCR à l’aide des paramètres de cycle donnés en Tableau 2. Les produits amplifiés sont analysés par électrophorèse sur gel comme décrit ci-dessus.
3.3.2. Applications :
Les méthodes d’amplification multiplexe permettent de diminuer la quantité de réactif, les coûts, le travail et le temps, dans la mesure où plusieurs gènes sont détectés simultanément. Ceci convient bien à des dépistages de routine de bactéries lactiques productrices de BA dans du vin. Les analyses de PCR multiplexe pour la détection de décarboxylases dans les boissons et denrées fermentées, y compris les vins, ont été décrites par Constantini et al., (2006), Coton et Coton (2005), De las Rivas et al. (2006) et Marcobal et al. (2005). Par exemple, Marcobal et al. (2005) ont sélectionné trois paires d’amorces pour une analyse PCR multiplexe afin de détecter simultanément les souches de bactéries lactiques qui sont potentiellement productrices d’histamine, de tyramine et de putrescine.
4. QUANTIFICATION DES SOUCHES PRODUCTRICES DE BA DANS LE VIN PAR Q-PCR (PCR QUANTITATIVE)
Une méthode qRT-PCR pour la détection et la quantification des bactéries productrices d’histamine, de tyramine et de putrescine dans les vins est décrite dans Lucas et al. (2008) et Nannelli et al. (2008).
4.1. Extraction d’ADN :
L’ADN est extrait des échantillons de vin de la manière décrite en 3.1.2.
4.2. Conditions pour l’amplification par PCR quantitative
Les amorces sont listées dans le tableau 3.
Les réactions de 20 μl sont réalisées dans le mélange réactionnel contenant 10 pmol de chaque amorce, un dixième de l’ADN purifié provenant d’un échantillon de vin (2 μl d’une préparation d’ADN de 20-μl) et 10 μl 2 × SyBr Green Mix L’amplification est effectuée avec le programme de cycles suivant : 5 min à 95°C, 40 cycles (30 s à 95°C, 30 s à 55°C et 30 s à 72°C), suivi d’une analyse de la courbe de fusion. La température de fusion des produits d’amplification et le cycle seuil (CT) sont calculés automatiquement.
Tableau 1 Amorces oligonucléotidiques pour la détection des bactéries lactiques productrices d’amines biogènes dans les vins
|
Nom de l’amorce |
Séquence amorce 5′→3′ |
Référence |
|
Amorces conçues pour la détection LAB productrices d’histamine dans le vin |
||
|
HDC3 |
GATGGTATTGTTTCKTATGA |
Coton et Coton (2005) |
|
HDC4 |
CAAACACCAGCATCTTC |
Coton et Coton (2005) |
|
Amorces conçues pour la détection LAB productrices de tyramine dans le vin |
||
|
41 |
CAYGTNGAYGCNGCNTAYGGNGG |
Marcobal et al. (2005) |
|
42 |
AYRTANCCCATYTTRTGNGGRTC |
Marcobal et al. (2005) |
|
TD5 |
CAAATGGAAGAAGAAGTAGG |
Coton et al. (2004) |
|
TD2 |
ACATAGTCAACCATRTTGAA |
Coton et al. (2004) |
|
Amorces conçues pour la détection LAB productrices de putrescine dans le vin |
||
|
4 |
ATNGARTTNAGTTCRCAYTTYTCNGG |
Marcobal et al. (2005) |
|
15 |
GGTAYTGTTYGAYCGGAAWAAWCAYAA |
Marcobal et al. (2005) |
|
OdF |
CATCAAGGTGGACAATATTTCCG |
Granchi et al. (2006) |
|
OdR |
CCGTTCAACAACTTGTTTGGCA |
Granchi et al. (2006) |
|
AGDIfor |
GAACGACTAGCAGCTAGTTAT |
Lucas et al. (2007) |
|
AGDIrev |
CCAATAGCCGATACTACCTTG |
Lucas et al. (2007) |
K=G ou T; R=A ou G; W=A ou T; Y=C ou T; S=C ou G; M=A ou C; D=A, G, ou T; N=A, G, C, ou T.
Tableau 2 Conditions PCR utilisées pour détecter les bactéries lactiques productrices d'amines biogènes dans le vin
|
Gène |
Ensemble d’amorces |
Taille de l’amplicon (pb) |
PCR étape 1 |
PCR étape 2 |
PCR étape 3 |
Numéro de cycle |
Référence |
|
hdc |
HDC3/HDC4 |
440 |
95 ºC, 30s |
52 ºC, 30s |
72 ºC, 2 min |
35 |
Coton et Coton (2005) |
|
tdc |
41/42 |
213 |
95 ºC, 30s |
52 ºC, 30s |
72 ºC, 2 min |
30 |
Marcobal et al., (2005) |
|
TD5/TD2 |
1133 |
95 ºC, 30s |
52 ºC, 30s |
72 ºC, 2 min |
35 |
Coton et al. (2004) |
|
|
odc |
4/15 |
972 |
95 ºC, 30 s |
52 ºC, 30s |
72 ºC, 2 min |
30 |
Marcobal et al., (2005) |
|
OdF/OdR |
500 |
95°C, 30s |
54℃, 30s |
72°C,2min |
27 |
Granchi et al., (2006) |
|
|
agdI |
AGDIfor/AGDIrev |
542 |
95 ºC, 30s |
55 ºC, 30s |
72 ºC, 2 min |
35 |
Lucas et al. 2007 |
Tableau 3 : Séquences d’amorces utilisées en qPCR pour la quantification des bactéries productrices d’histamine, de tyramine et de putrescine dans les vins. (Lucas et al, 2008; Nannelli et al. 2008)
|
Gène |
Nom de l’amorce |
Séquence 5’3’ |
Longueur de l’amplicon |
|
Histidine décarboxylase |
hdcAf |
5'-ATGAAGCCAGGACAAGTTGG |
84 bp |
|
hdcAr |
5'-AATTGAGCCACCTGGAATTG |
||
|
Tyrosine décarboxylase |
tdcf |
5'-CAAATGGAAGAAGAAGTTGG |
103bp |
|
tdcr |
5'-GAACCATCAGCA ACAATGTG |
||
|
Agmatine Dihydrolase (deiminase) |
agdif |
5'-ATGCCCGGTGAATTTGAA |
90bp |
|
agdir |
5'-TTGCGC TGGTTTAGCACC |
||
|
Ornithine décarboxylase |
odcf |
5'-TGCA CTTCCATATCCTCCAG |
127bp |
|
odcr |
5'-GAATTTCTGGAGCAAATC CA |
Références
- Constantini A, Cersosimo M, Del Prete V and García-Moruno E (2006), Production of biogenic amines by lactic acid bacteria: screening by PCR, thin-layer chromatography, and high-performance liquid chromatography of strains isolated from wine and must. J Food Protect, 69, 391-396.
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- Landete J M; Ferrer S and Pardo I (2005), Which lactic acid bacteria are responsible of histamine production in wine?. J Appl Microbiol, 99, 580-586.
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