Révision du Code des bonnes pratiques vitivinicoles destinées à prévenir ou à limiter la contamination par brettanomyces

État: En vigueur

Révision du Code des bonnes pratiques vitivinicoles destinées à prévenir ou à limiter la contamination par brettanomyces

RÉSOLUTION OIV-OENO 686-2022

RÉVISION DU CODE DES BONNES PRATIQUES VITIVINICOLES DESTINÉES À PRÉVENIR OU À LIMITER LA CONTAMINATION PAR BRETTANOMYCES

IMPORTANT : Cette résolution remplace la résolution suivante :

- OIV-OENO 462-2014

L’ASSEMBÉE GÉNÉRALE,

VU l'article 2, paragraphe 2 iv de l'Accord du 3 avril 2001 portant création de l'Organisation internationale de la vigne et du vin,

CONSIDÉRANT les travaux du Groupe d’experts « Microbiologie »,

CONSIDÉRANT que ce Code détermine les mesures devant être mises en place dans les vignobles et les caves pour contribuer à réduire les risques liés à la présence de Brettanomyces,

DÉCIDE de remplacer la résolution OIV-OENO 462-2014  le Code des bonnes pratiques vitivinicoles destinées à prévenir ou à limiter la contamination par Brettanomyces par le texte suivant:

CODE DES BONNES PRATIQUES VITIVINICOLES DESTINÉES À PRÉVENIR OU À LIMITER L’ALTERATION DES VINS PAR BRETTANOMYCES Bruxellensis

1.      PRÉAMBULE

  • Parmi les processus qui altèrent la qualité du vin, la production de phénols volatils par les Brettanomyces bruxellensis  est largement répandue et de plus en plus problématique. Ces composés sont caractérisés notamment par des arômes d'encre ou de colle et des odeurs de sueur de cheval, de cuir ou d’écurie, pouvant masquer le caractère fruité des vins.
  • Les phénols volatils, principalement le 4-éthylphénol et le 4-éthylgaïacol, sont respectivement produits à partir de l’acide p-coumarique et de l’acide férulique après décarboxylation enzymatique (cinnamate décarboxylase, PAD) et réduction (vinyl-phénol réductase, VPR). Ces précurseurs sont présents de façon naturelle dans les moûts de raisin. L’étape de décarboxylation causée par l’activité cinnamate décarboxylase a été décrite pour de nombreuses espèces de bactéries, levures et champignons, tandis que l’étape de réduction causée par l’activité vinyl-phénol réductase, ou VPR, est plus largement spécifique aux espèces Brettanomyces.
  • les Brettanomyces sont présentes sur les raisins et sur les équipements de vinification, ainsi, ces levures peuvent prolifèrer dans les vins au cours ou après les fermentations alcooliques et/ou malolactiques, pendant l’élevage, du vin ou après le conditionnement.

2.      INTERVENTIONS DANS LE VIGNOBLE

Non applicable (pas d’étude disponible à notre connaissance). Néanmoins, des levures Brettanomyces ont été détectées après des étapes d’enrichissements sur les peaux de raisin depuis les premiers stades de développement des baies. L’écologie microbienne de la surface du raisin a montré une grande diversité, avec une faible population pour chaque espèce.

Une première approche préventive, consistant en une sélection rigoureuse des raisins sains, peut participer à réduire le risque de Brettanomyces, qui est généralement plus présente sur les raisins altérés .

3.      INTERVENTIONS PENDANT LA VENDANGE

Gestion du raisin :

Brettanomyces est présente sur les raisins mais ne représente pas l’espèce majeure de levure (faible population). Cependant, l’élimination des raisins abîmés ou botrytisés peut limiter les altérations par Brettanomyces.

La vendange de baies en surmaturité est de plus en plus fréquente et dans ce cas des précautions particulières pourraient être envisagées. Ces apports intéressants au niveau organoleptiques peuvent augmenter le risque de production de phénols volatils, le contenu en précurseurs de phénols volatils étant plus élevé sur les raisins en surmaturité. Le fait de travailler dans ces conditions n’accroît pas forcément la présence de Brettanomyces, mais augmente les risques liés à leurs activités (acidité totale plus faible, pH plus élevé qui influe directement sur les niveaux de SO2 moléculaire puis sur le développement de Brettanomyces).

4.      INTERVENTIONS À LA CAVE

Une diminution de la diversité microbienne est observée au cours de la fermentation alcoolique, en raison de multiples facteurs, dont l’augmentation du titre alcoométrique. Cependant, Brettanomyces possédant une bonne résistance à l’éthanol, sa présence ne décroit pas. Par conséquence une hygiène parfaite est essentielle lors de la vinification (raisins sains, équipements de vinification et de stockage, etc.).

Opérations et traitements pré-fermentaires

  • Il est recommandé de garantir l’application de pratiques d’hygiène appropriées dans la cave.
  • Les facteurs les plus importants sont le sulfitage et la température:
    • Le sulfitage est l'action préventive la plus efficace au stade pré-fermentaire pour limiter le développement de populations de Brettanomyces ; il est cependant recommandé d’éviter les sulfitages excessifs (>8 g/hL) qui pourraient retarder la fermentation malolactique.
    • Une macération pré-fermentaire à haute température (au-delà de 65 °C permet l’inactivation de Brettanomyces, mais également d’autres microorganismes dans la vinification. Une macération à froid à une température inférieure ou proche de 10 ºC prévient leur prolifération sans pour autant les tuer.
    • L’utilisation de certaines enzymes contenant des activités cynnamoyl esterase peut augmenter le risque de production de phénols volatils Dans tous les cas des contaminations ultérieures restent possibles.

Opérations fermentaires

Fermentation alcoolique (FA) :

  • Au cours de la FA, la diversité microbiologique décroît et Saccharomyces cerevisiae devient l’espèce principale. Toutefois, du fait de sa résistance à l’éthanol et de sa faible demande en nutriments, Brettanomyces peut se développer lorsque la FA ralentit ou s’interrompt. Il convient d'appliquer les pratiques œnologiques couramment recommandées pour la maîtrise de la fermentation alcoolique.
  • L’inoculation des moûts avec des levures sélectionnées contribue à obtenir une FA plus fiable.
  • Le milieu devient plus propice à la multiplication de Brettanomyces en cas de ralentissement ou arrêt de la fermentation alcoolique. Dans ce dernier cas il est recommandé de mettre en œuvre au plus tôt une procédure de reprise de fermentation alcoolique.
  • Les sucres résiduels (glucose et fructose principalement) constituent un substrat pour le développement de Brettanomyces. Les vins sont généralement considérés comme secs lorsque la teneur en glucose + fructose est inférieure à 4 g/L. Une concentration de 0,3 g/L de glucose + fructose s’avère suffisante pour le développement d’une biomasse de Brettanomyces capable de produire plus de 1 000 μg/L de phénols volatils.
  • L’ajout de nutriments des levures (susceptibles de bénéficier également au Brettanomyces ne doit être effectué que lorsque cela est réellement nécessaire pour éviter les arrêts de fermentation.

Période de latence avant la fermentation malolactique (FML) :

  • Une fois la FA achevée, les conditions ne favorisent pas uniquement les bactéries lactiques, mais également les Brettanomyces, dont la prolifération demeure cependant lente.
  • Le milieu étant relativement pauvre en microorganismes, il est important de procéder à un suivi de la population de Brettanomyces.
  • Les facteurs favorables à la croissance des Brettanomyces pendant cette phase sont : les macérations finales à chaud (40-45 ºC), la micro-oxygénation et le relargage des sucres dans le cas des vendanges non foulées et de vendanges partiellement passerillées.
  • La co-inoculation des levures et de bactéries lactiques sélectionnées peut aider à diminuer la période de latence entre la fermentation alcoolique et la fermentation malolactique, et donc le développement de Brettanomyces.

Fermentation malolactique (FML) :

  • Les paramètres physicochimiques (pH, température, SO2 total) affectent la progression de la FML. Si elle est retardée, le risque de production de phénols volatils augmente car Brettanomyces est susceptible de profiter de ce délai pour se multiplier.
  • L’utilisation de levains malolactiques constitue donc une bonne façon de limiter le développement de Brettanomyces.
  • Après la fermentation malolactique, il est recommandé d’éliminer tous les microorganismes, notamment en ajoutant du SO2. Ces quantités doivent être ajustées en fonction du pH du vin.
  • L’utilisation de techniques physiques est également possible HHP, UHPH,.

Opérations d'élevage et de clarification :

La première précaution indispensable est de déguster régulièrement et de pratiquer une analyse microbiologique complète incluant un dénombrement spécifique de Brettanomyces et/ou une analyse des phénols volatils. L’analyse doit être répétée tout au long de l’élevage.

  • La maîtrise du SO2 est cruciale afin de limiter le développement de Brettanomyces. La dose recommandée est de 0,5 à 0,8 mg/L de SO2 moléculaire[1]. En cas de souches de Brettanomyces tolérantes/résistantes à l’éthanol ou SO2, il est recommandé d’utiliser des méthodes alternatives (chitosane, filtration, traitement par la chaleur).
  • Le vieillissement sur lies constitue un facteur de risque supplémentaire car les Brettanomyces sont à même de survivre et de proliférer dans les lies (qui relarguent des nutriments dans le vin).
  • La clarification par soutirage, le collage et la filtration s’avèrent indispensables pour réduire les populations de Brettanomyces viables et viables mais non cultivables pouvant se multiplier en métabolisant les sucres résiduels.
  • Certains agents de collage sont plus efficaces que d’autres. Les traitements employant des protéines de collage peuvent réduire les populations de 40 à 2 000 fois. Un collage utilisant de la caséine ou du caséinate de potassium peut réduire les niveaux d’éthylphénols s’ils ne s’avèrent pas trop élevés.
  • L’ajout de chitosane constitue une alternative pour le contrôle de la croissance des microorganismes indésirables, notamment les Brettanomyces, et en cas de présence de souches tolérantes/résistantes à l’éthanol ou SO2.
  • Certaines opérations de vinification (soutirage, ouillage, filtration, mise en bouteille, etc.) peuvent provoquer une dissolution de l’oxygène dans le vin qui favorise la multiplication de Brettanomyces.
  • En cas de réalisation d’une micro-oxygénation, l’absence de Brettanomyces doit être vérifiée en pratiquant les analyses appropriées.
  • Lors du vieillissement des vins, la température de la cave doit être contrôlée soigneusement, en particulier durant l’été, et il convient d’éviter des températures supérieures à 14 °C sur des périodes prolongées afin de prévenir la croissance de Brettanomyces.

NB :

  1. Suite à l’ajout de SO2, la population de Brettanomyces peut passer (entièrement ou partiellement) de l’état viable à l’état viable non cultivable (VNC). Ces modifications conduisent à une réduction de la taille des levures, et il est donc nécessaire d'adapter la filtration.
  2. Il est également important de noter ici que le dénombrement des VNC ne peut être effectué par une analyse de routine telle qu’une énumération sur boîte de Petri, mais plutôt par une qPCR ou une cytométrie en flux qui dénombre les Brettanomyces VNC et viables.
  3. Un test PCR est disponible pour prédire la tolérance/résistance de Brettanomyces aux sulfites.

L'élevage sous bois :

L'élevage sous bois est considéré comme la période d’altération par Brettanomyces la plus sensible en particulier en barriques neuves.

Pendant l’échantillonnage, éviter les contaminations croisées.

Comme pour toute altération microbienne, le vin utilisé pour l’ouillage ne doit pas être contaminé.

Le bois est propice à la croissance de Brettanomyces, qui est capable de se développer sous forme pseudohyphale, de coloniser les microspores du bois et d'utiliser le cellobiose comme source de carbone. Les fûts sont difficiles à nettoyer et à désinfecter.

Les fûts usagés mal nettoyés sont des sources connues de contaminations par Brettanomyces. Cependant, les fûts neufs favorisent également la multiplication de la levure et la production de phénols volatils, car ils libèrent davantage de nutriments. En outre, ils sont plus perméables à l'O2, ce qui favorise un potentiel redox relativement élevé et diminue la concentration en SO2, (actif ou moléculaire), deux paramètres favorables au développement de Brettanomyces.

Différentes approches ont été étudiées pour l’assainissement des fûts, mais aucune n’a permis une élimination complète de Brettanomyces sur la surface interne des douelles ou des bondes. En effet, la microporosité naturelle du bois rend difficile sa désinfection totale car les microorganismes restent dans les cavités des couches inférieures du bois. Le traitement doit avoir une action en profondeur pour une efficacité rémanente et un résultat durable.

Néanmoins, certaines techniques de désinfection des fûts diminuent significativement les populations de Brettanomyces et peuvent être utilisées lorsqu’elles sont permises par les réglementations en vigueur en question, comme par exemple :

  • Les traitements à la vapeur : la désinfection en profondeur nécessite un temps de traitement suffisamment long (rinçage à l’eau froide, rinçage à l’eau chaude à 70 °C et vapeur à faible pression pendant 10 min. Un traitement par immersion dans de l'eau chaude à 60°C pendant un temps d'exposition de 19 min a permis d'éliminer les populations de levures jusqu'à une réduction logarithmique de 8.
  • Stérilisation à l’ozone : soit avec de l’ozone gazeux combiné avec un traitement à l’eau chaude à 82°C pendant 20 min, soit avec de l’eau ozonée. Réagissant avec les matériaux à charge organique élevée, l’ozone ne pénètre pas en profondeur dans le bois.
  • Stérilisation au SO2 : un minimum de 5 g par fût de SO2 gazeux devrait être employé pour désinfecter les fûts vides et secs. Le SO2 a une bonne efficacité en surface mais également en profondeur en pénétrant les premiers millimètres du bois.
  • Grattage et nouvelle chauffe des fûts : ce traitement ne désinfecte pas le bois mais permet d’éliminer la fraction la plus contaminée. Le grattage et le nouvelle chauffe permettent une diminution de 80 % des phénols volatils en comparaison à un fût non traité.
  • Ultrasons : cette technique élimine plus de 90 % des Brettanomyces viables (jusqu’à 2 à 4 mm à l’intérieur de la surface interne des douelles).

Opérations de pré-conditionnement

Le risque de production de phénols volatils doit être évalué avant les opérations de conditionnement, en effectuant des contrôles analytiques (contrôles chimiques et microbiologiques). Une fois le risque évalué, des opérations appropriées doivent être planifiées afin de prévenir le développement de Brettanomyces après le conditionnement :

  • Stérilisation par filtration sur membrane (0,45 à 0,65  μm) ou filtration tangentielle pour une élimination efficace des levures Brettanomyces, suivie d’un conditionnement stérile.
  • Utilisation de DMDC pour une protection non-persistante.
  • Utilisation des antimicrobiens ayant une protection persistante (acide sorbique, uniquement si les bactéries lactiques ont été totalement éliminées, maîtrise du SO2 en tenant compte du pH, titre alcoométrique volumique acquis et température). Un calculateur en ligne prenant en compte différents paramètres (ph, alcool et température) peut être utilisé.
  • Traitement par la chaleur.
  • L’utilisation de techniques physiques est également possible HHP, UHPH

Conditions de stockage :

Afin de prévenir la prolifération de Brettanomyces dans les bouteilles lors du stockage (et la production de phénols volatils), il est recommandé de conserver les bouteilles à moins de 12°C, en particulier pour les vins faiblement filtrés ou contenant de faibles teneurs en SO2.

5.      CONCLUSION

  • Il est fortement recommandé de procéder à de fréquentes analyses afin de détecter précocement toute contamination par Brettanomyces. Lors des prélèvements, une attention particulière doit être apportée pour éviter les contaminations croisées.
  • Il est fortement recommandé de maintenir la cave dans les meilleures conditions d’hygiène possibles.
  • Maîtrise du sulfitage et du SO2 moléculaire
  • Maîtrise des températures.
  • Les actions préventives sont préférables aux procédures correctives.
  • Les présentes recommandations sont basées sur les connaissances actuelles et sont susceptibles d'être mises à jour sur la base des recherches en cours
  • La gestion de Brettanomyces doit être une approche préventive globale tout au long du processus de vinification.

[1] Le produit final doit se conformer aux réglementations en vigueur concernant les limites du SO2 total