Code de bonnes pratiques vitivinicoles en vue de limiter au maximum la présence d’ochratoxine a dans les produits issus de la vigne
RÉSOLUTION OIV/VITI 1/2005
CODE DE BONNES PRATIQUES VITIVINICOLES EN VUE DE LIMITER AU MAXIMUM LA PRESENCE D’OCHRATOXINE A DANS LES PRODUITS ISSUS DE LA VIGNE
L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE
CONSIDÉRANT la Résolution CST 1/2002 qui fixe la teneur maximale en ochratoxine A (OTA) à 2,0 µg/l pour les vins.
CONSIDÉRANT que la dite Résolution prévoit que l'OIV établisse un code de bonnes pratiques vitivinicoles pour prévenir les risques de contamination par l’OTA des produits de la vigne.
CONSIDÉRANT la résolution OENO/16/2001, qui établit la méthode de dosage d’OTA après passage sur colonne d’immunoaffinité et chromatographie liquide à haute performance avec détection spectrofluorimétrique.
TENANT COMPTE des principes prévus dans la résolution CST 1/2004 sur le développement d’une vitiviniculture durable et des lignes directrices qui sont liées à la résolution afin de favoriser l’atteinte des objectifs préfixés, en particulier en ce qui concerne la protection de la santé et la sécurité alimentaire des consommateurs.
CONSIDERANT que le développement des espèces de champignons responsables de la présence d’OTA prend son origine sur les raisins dans les vignobles.
TENANT COMPTE des résultats qui ont été obtenus ces dernières années suite aux études et aux recherches réalisées pour réduire la teneur en OTA par des pratiques viticoles et œnologiques.
RECOMMANDE aux pays de mettre en place un système d’analyse et de suivi des risques de contamination par l’OTA allant du vignoble à la cave, à travers des actions collectives ou individuelles.
DÉCIDE d'adopter, ci-dessous, le code de bonnes pratiques vitivinicoles en vue de limiter au maximum la présence d’ochratoxine A dans les produits issus de la vigne. Celui-ci établit les actions à mettre en oeuvre dans les vignobles et dans la cave pour contribuer à la réduction des risques liés à la présence d’OTA dans les produits de la vigne.
Code de bonnes pratiques vitivinicoles en vue de limiter au maximum la présence d’ochratoxine A dans les produits issus de la vigne
PREAMBULE
- Les mycotoxines, en particulier l'ochratoxine A (OTA), sont des métabolites secondaires produits par des champignons filamenteux qui sont présents dans le sol et sur les matières organiques et qui de là, se répandent et se développent sur les raisins pendant la phase de maturation des baies.
- La formation d’OTA sur le raisin est due principalement à la contamination des baies par certaines espèces de moisissures, et certaines souches appartenant essentiellement aux genres Aspergillus (en particulier aux espèces A. carbonarius et dans une moindre mesure A. niger).
- La présence et la diffusion de tels champignons dans les vignobles sont influencées par des facteurs environnementaux et climatiques, des conditions d’humectation nocturne du raisin, de la forme des grappes, de la sensibilité des variétés de vignes, du niveau d’aération des grappes, de l’état sanitaire des raisins, et des blessures des baies qui sont les principaux points d’entrée des champignons ochratoxinogènes.
INTERVENTIONS DANS LE VIGNOBLE
Toutes les recommandations contenues dans le document OIV sur les lignes directrices de la vitiviniculture durable doivent être respectées, en particulier les aspects concernant les projets d’implantations du vignoble, la gestion du sol, l'irrigation, les interventions culturales sur le cep, la protection phytosanitaire et la récolte.
L’OIV recommande d’appliquer dans les régions viticoles où les conditions climatiques sont favorables à la formation d’OTA sur les produits de la vigne, toutes les mesures préventives suivantes en vue de réduire les risques d’épidémie favorisant l’apparition des maladies de la vigne les plus nuisibles :
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Information du risque au niveau régional
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Assurer que les autorités régionales et les organisations des producteurs :
- Analysent et identifient les espèces et souches de champignons toxinogènes présentes dans leur région ;
- Mettent en relation cette information avec les facteurs de risque régional incluant les données météorologiques et les pratiques culturales et proposent une gestion appropriée ;
- Communiquent cette information aux producteurs.
- Formation du producteur
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Assurer la formation du producteur au niveau :
- Des risques concernant les moisissures et les mycotoxines ;
- De l'identification des champignons ochratoxinogènes et la période d’infection ;
- De la connaissance des mesures préventives à appliquer au vignoble et à la cave.
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Assurer que les autorités régionales et les organisations des producteurs :
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Implantation du vignoble
- Privilégier l'implantation de la vigne dans les zones bien aérées en évitant les situations les plus humides.
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Constituer des parcelles avec une disposition de plantation et une architecture de végétation (système de palissage) adéquates pour :
- Faciliter les opérations culturales,
- Bien positionner les grappes au dessus du sol,
- Assurer une bonne protection phytosanitaire,
- Limiter les risques de brûlure du soleil sur les raisins,
- Favoriser une maturation uniforme du raisin.
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Matériel végétal
- Choisir des porte-greffes moins vigoureux et des variétés moins sensibles au développement de moisissures et de pourritures du raisin.
- Choisir, dans la variété, les clones ou les biotypes les mieux adaptés aux conditions pédoclimatiques des zones spécifiques de culture et les moins sensibles au développement de moisissures et de pourritures, soit souvent ceux qui se caractérisent par des grappes peu compactes.
- Constituer des parcelles homogènes (variétés, clones) pour faciliter les opérations culturales, assurer une meilleure protection phytosanitaire et obtenir une maturation uniforme du raisin.
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Techniques culturales
- Appliquer des techniques agronomiques visant à favoriser les équilibres feuilles/fruits des vignes et à réduire les excès de vigueur, en particulier en évitant l’apport inapproprié de fumure azotée.
- Favoriser la couverture herbeuse ou organique du sol et éviter les travaux du sol entre le début de la phase de maturation des raisins et la vendange, en vue limiter la projection de particules de terre et des champignons associés sur le raisin.
- Favoriser une disposition ordonnée des grappes en évitant leur entassement.
- Si des apports d'eau sont nécessaires, faire des irrigations les plus régulières possibles, en vue d’éviter l’éclatement des baies et l’apparition des fissures de la pellicule, sources de pénétration et de développement des moisissures surtout dans les régions chaudes.
- Eviter d'utiliser le marc contenant des champignons toxinogènes comme engrais dans les vignobles.
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Protection phytosanitaire
- Effectuer un effeuillage de la zone des grappes, tout en tenant compte de la nécessité de limiter les risques de brûlure de soleil. Cette opération doit permettre d’aérer au maximum les grappes. Elle est particulièrement nécessaire en conditions climatiques chaudes et humides durant la maturation du raisin.
- Éviter les lésions sur les baies et les altérations de la pellicule causées par les maladies, insectes, phytotoxicités et brûlures du soleil.
- Appliquer des plans de protection de la vigne visant à assurer la maîtrise des maladies cryptogamiques dangereuses pour la qualité du raisin (oïdium, pourriture acide).
- Prévenir les attaques des tordeuses de la vigne, des cochenilles et des cicadelles pruineuses qui favorisent le développement de moisissures sur les baies endommagées; la lutte contre ces ravageurs doit être réalisée en suivant leur biologie et les risques d’épidémie; en conditions de risque d’attaque élevé, les traitements doivent être effectués préventivement en utilisant des produits spécifiques et en tenant compte des avertissements des services régionaux de protection des végétaux.
- Appliquer des programmes appropriés et reconnus de protection contre les pourritures et les moisissures du raisin; des traitements spécifiques sont recommandés dans toutes les situations favorables au développement des espèces produisant des toxines.
INTERVENTIONS A LA VENDANGE
Seule une vendange saine assure une qualité et une sécurité optimales des produits vitivinicoles. En conséquence, seule une vendange saine peut être destinée à la consommation humaine sans risque de perte de qualité et sans problème de sécurité alimentaire pour les consommateurs.
La date de vendange doit être fixée en tenant compte du degré de maturité du raisin, de son niveau sanitaire, des évolutions climatiques prévisibles et du risque d'épidémie. Dans les zones à risque d'OTA élevé, il est recommandé d'avancer la date des vendanges.
Lorsque le raisin est contaminé de manière généralisée par les moisissures :
- Il ne peut pas être utilisé pour la consommation humaine, ni frais, ni comme raisin sec, ni pour l'élaboration de moût concentré, de jus de raisin, de vin ou de vinaigre ;
- Son utilisation doit être limitée à la distillation.
Production de raisins secs et de raisins passerillés
L’OIV recommande pour la production destinée à l’obtention de raisins secs et de raisins passerillés (vin doux) les actions suivantes :
- Assurer l’hygiène des récipients destinés à la récolte et/ou au séchage des raisins.
- Utiliser seulement les raisins non endommagés par des insectes et non contaminés par des moisissures.
- Trier les raisins en éliminant les grains endommagés et contaminés.
- Disposer les raisins à sécher ou à passeriller en une seule couche, en évitant la superposition des grappes.
- Favoriser le séchage progressif et uniforme de toutes les parties de la grappe.
- Prendre les mesures nécessaires pour éviter le développement des drosophyles.
- Pour les conditions particulières de séchage en plein air, il est recommandé d’effectuer le séchage dans des conditions bien ventilées et de couvrir les raisins pendant la nuit pour éviter la condensation de l’humidité.
Production de raisins de cuve
L’OIV recommande les actions suivantes dans le cas de vendange modérément contaminée avec des moisissures toxinogènes et destinée à la production de vin :
- Les raisins endommagés par des insectes et par des moisissures ou contaminés par des particules de terre doivent être éliminés avant vendange ou à la vendange selon la technique de récolte choisie.
- Les raisins doivent être triés, afin d’écarter les grappes ou parties de grappe endommagées. Il est important d’éliminer les moisissures noires.
- Le raisin récolté doit être transporté le plus rapidement possible en cave de manière à éviter les attentes prolongées surtout dans le cas de raisins avec une forte proportion de jus.
- Il est important de bien nettoyer les récipients après chaque transport de raisin, surtout dans le cas de vendange pourrie.
INTERVENTIONS A LA CAVE
Dans les conditions où il existe un risque de contamination par l’OTA, il est recommandé de déterminer la teneur en OTA dans les moûts destinés à la vinification.
- Opérations et traitements pré-fermentaires
- Éviter la macération pelliculaire en cas de vendanges à risque élevé d’OTA ou, tout au plus, pratiquer une macération courte.
- Dans le cas de contamination significative de raisins rouges, évaluer la possibilité de réaliser une vinification en rosé.
- Adapter le taux de pressurage à l'état sanitaire du raisin; en cas de contamination, effectuer des pressées rapides avec de faibles pressions et de petits volumes; éviter les pressoirs continus.
- Dans le cas de raisins contaminés, éviter l’utilisation d’enzymes pectolytiques pour les opérations de débourbage ou de macération. La clarification rapide par filtration du moût, centrifugation et flottation est préférable.
- Eviter les traitements de chauffage de la vendange et les macérations agressives et prolongées.
- En cas de contamination, il est préférable de traiter les raisins[1] et les moûts avec des doses de charbon œnologique les plus faibles et efficaces possibles, afin d’éviter de possibles pertes de composants aromatiques et polyphénoliques lorsque le traitement est effectué sur le vin.
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Opérations fermentaires
- Réaliser autant que possible les fermentations et les élevages dans des récipients à parois lisses pour éviter les sources de contamination liées aux fermentations ou élevages antérieurs et pour faciliter le nettoyage.
- Pour les fermentations alcooliques ou malolactiques, utiliser les levures ou bactéries qui peuvent avoir des propriétés adsorbantes pour l'OTA; s'assurer que ces caractéristiques soient garanties par le fournisseur tout en sachant que l'utilisation de ces produits ne permet qu’une diminution partielle de l'OTA.
- Il est conseillé de décuver le plus rapidement possible après la fermentation.
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Opérations d’élevage et de clarification
- Les levures sèches actives ou les levures inactivées peuvent aider à réduire le niveau en OTA.
- L'élevage sur lies peut aider à diminuer le taux d'OTA. Les risques que cette technique peut comporter sur la qualité organoleptique des vins doivent être évalués.
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Les produits de clarification actuels (colles organiques et inorganiques) ont des niveaux d’efficacité très variable sur la réduction des teneurs en OTA:
- Le charbon œnologique est le plus efficace.
- Certaines celluloses et le gel de silice associé au collage à la gélatine ne permettent qu’une réduction partielle
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Avant toute utilisation :
- Se renseigner sur l’efficacité du produit utilisé et sur la technologie d’application,
- Réaliser des essais à différentes doses pour connaître les répercussions sensorielles et établir la dose d’application.
Il est recommandé de vérifier que la contamination en OTA soit aussi basse que possible lors de l’utilisation de dérivés et sous-produits de la vinification comme « intégrateurs » alimentaires dans l’alimentation animale et humaine.
CONCLUSION
Les présentes recommandations sont basées sur les connaissances actuelles et pourront être mise à jour en fonction des recherches qui se poursuivent.
Les mesures préventives sont essentiellement effectuées au vignoble et les mesures à la cave sont uniquement correctives.
[1] L’utilisation du charbon œnologique sur le raisin est en cours d’évaluation à l’OIV